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Dis-moi ta raison d'être

Pressées par les consommateurs de se mettre au service du bien commun, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en avant leur raison d'être. Un motif de fierté tant vis-à-vis de l'interne que de l'externe.

Ce qui ressemble à une crise de conscience existentialiste ou à une moralisation du capitalisme est en tout cas une belle évolution du marketing. Aujourd’hui, les marques doivent dire leur raison d’être. Pour résonner avec l’époque et être mieux aimées. Elles sont invitées à faire un grand travail d’introspection afin d’identifier et révéler leur « pourquoi » profond. On est très loin de la studieuse raison de croire, pierre angulaire des bonnes « copy strategies » des créatifs. Il ne suffit plus de livrer des raisons de croire en la différence supérieure d’une marque dans son offre produits ou service. Aujourd’hui, une marque doit dire plus fondamentalement ce à quoi elle croit, ce qui l’anime, l’impact positif qu’elle entend avoir sur la société, au-delà de son évidente mission commerciale. On est donc passé à un impératif supérieur, passionnant et très exigeant, qui fait éclater les clivages entre corporate et commercial, l’interne et l'externe, le marketing et le projet d’entreprise. La raison d’être s’adresse à tous et doit être infusée partout.

Les marques cherchent aujourd'hui à faire du bien car les consommateurs attendent beaucoup d’elles. Selon l’Observatoire des marques dans la cité, réalisé par Havas Paris et CSA, 60% des Français pensent que les entreprises jouent un rôle plus important que les gouvernements dans la création d’un avenir meilleur. Et 80% des Français disent attendre des entreprises qu’elles agissent de manière proactive, sans attendre l’action du gouvernement, d'après le Trust Barometer d'Edelman 2019.


Le mal et son remède

Les marques sont créditées d’être le mal et son remède. Elles doivent réparer ce qui a été abimé dans notre société par excès de consommation et par individualisme. Ce sentiment de culpabilité collective motive la multiplication des raisons d’être réparatrices. Mieux manger, mieux vivre ensemble, mieux respecter la nature…

Certaines raisons d’être semblent parfois trop hautes pour être vraiment endossées par les marques. Facebook, avec ses 2,4 milliards d’utilisateurs, peut prétendre contribuer à « rassembler l’humanité ». C’est aussi louable qu’Intersport promeuve le sport pour créer plus de liens entre les hommes, avec son ADN scoutiste et coopératif, et son soutien actif de 8 000 clubs de sports en France. Mais quand une grande marque de coworking entend « élever la conscience des gens », on peut se questionner sur la légitimité de cette raison d’être.

Une raison d’être n’est pas un vœu pieux opportuniste, ni la vision mégalo d’un dirigeant. Elle est aspirationnelle, et doit surtout être puisée dans l’ADN et le cœur de métier de la marque pour pouvoir guider un cap d’actions concrètes à son service. Souvent, le marketing souffle à l’entreprise sa raison d’être, qui devient alors le moteur du projet d’entreprise. Ce qui rend plus noble le dessein d’une marque est aussi un levier de différenciation. Pour sortir de la mêlée concurrentielle, il est utile de hisser son discours et sa mission vers un bienfait sociétal. Mais cela n’enlève à la raison d’être ni sa valeur ni sa réalité. Même si l’intention n’est pas altruiste, la raison d’être choisie pour se différencier peut être le point de départ d’un cercle vertueux.

Elle devient un motif de fierté et de liant interne en donnant un sens à la marque, mais aussi un engagement de sincérité vis-à-vis de tous ses publics. Elle s’affiche partout jusqu’aux manifestos visibles en magasins. Ce qui est dit engage la marque, plus encore demain. Depuis avril, la loi Pacte autorise les entreprises à énoncer leur raison d’être dans leurs statuts pour être plus contributives au bien commun. Raison d’être, engouement pour le « good », espérons que les modèles philantropiques et économiques vont doucement converger.

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